jeudi, juillet 13, 2006
Perhmol
La campagne électorale battait son plein. Devant la baisse d'intérêt constante des électeurs pour les campagnes nationales, les scrutins plus locaux passionnaient. Et permettaient de justifier une fréquentation assidue des troquets auprès de sa compagne. On dénombrait dans le bourg de Perhmol, 2634 habitants, une licence IV pour 500 habitants. Sans compter les comptoirs semi-clandestins où l'on pouvait boire pour quelques sous. De temps à autres, la gendarmerie était confrontée à la griserie excessive d'un usager. Rompus à l'usage de la boisson, les hommes en uniforme avaient l'expérience et la sagesse nécessaire pour entrer dans la logique du tapageur, et le ramener à la raison, ou chez lui.
L'évènement politique assurait donc non seulement la paix des ménages, mais aussi le plein régime de l'économie locale. Car l'équipe municipale redoublait d'efforts pour justifier ses mandats. Les apéritifs et les repas, au profit d'une association ou d'une profession, se multipliaient ; des tracts vantaient un bilan solide et des lendemains qui chantent, avec l'appui de la Chorale si nécessaire. Le nombre d'animations et de manifestations culturelles prévues dans son futur programme était impressionnant. Ainsi, le maire, M. JAUREL, mettait tout son poids dans la bataille.
Les journalistes de La Quotidienne, ou plutôt « le » journaliste rattaché au suivi du canton, lui assurait un soutien tacite, en louant la finesse de la macédoine servie au repas du troisième âge. A vrai dire, ce n'était même pas partisan de sa part. Il faisait le simple travail du reporter rural, qui enjolive le peu de matière dont il dispose, et relate le quotidien de ses lecteurs pour s'assurer leur achat.
JAUREL se posait en tacticien auprès de son équipe : fort de ses précédents mandats, il affirmait contrôler l'opinion publique et les médias. Homme de terrain, de chasse comme de football, il avait pour et derrière lui, des conseillers fidèles, honorés par leur titre municipal et la confiance de ce grand chef. Il faut dire que JAUREL avait un secret : persuader chaque personne qu'il rencontrait de son importance, à ses yeux comme à ceux du monde. Eleveur prospère, il se souciait en apparence grandement de ses ouvriers et peu de ses bêtes. Maire plantureux, il mettait entre parenthèses la commune dans les séances municipales, au profit de ses chers conseillers. Ces soins constants lui permettaient de gérer les affaires, « ses » affaires après tout, comme il l'entendait, puisque les autres n'y entendaient rien.
En effet, la compétence de son équipe aurait soulevé des questions auprès d'un observateur neutre. Mères au foyer, paysans et retraités dans l'ensemble, ce Conseil des Miracles avait tout appris de la gestion municipale sur le tas. Mais après tout, c'était le lot de beaucoup de petites communes. Sauf que cette assemblée là, même sur le tas, n'avait pas beaucoup appris. Si bien que JAUREL exerçait un pouvoir absolu, nécessaire et salutaire.
D'ailleurs il était né très tôt pour le pouvoir. Il avait fondé un premier parti, composé d'agents secrets, dès le primaire. Sa dissolution après quelques récréations avait convaincu JAUREL d'une première vérité : les gens sont volatiles. Si les attirer demande un petit quelque chose, les conserver demande de gros efforts. Partant de là, il avait, avec une conscience de l'autre rare à cet âge là, eu un mot quotidien pour chacun, en vue de s'assurer le prestige permanent de chef de classe, d'année en année. Son altruisme reposait sur un besoin de reconnaissance à travers le pouvoir, la consécration. Il aimait bien être le chef, il faisait ce qu'il faut pour ça, et ça n'avait pas changé en grandissant. Il était toutefois dénué de l'ambition de tomber dans la manipulation de masse, de briguer un mandat régional ou national. A quoi bon être le chef de gens qu'on ne connait pas ?
Le libre exercice de la démocratie avait permis à une liste concurrente de défier le maire sortant. JAUREL prenait la chose avec philosophie. Même en se sacrifiant, on tombe toujours sur des mécontents et on fait nécessairement quelques envieux. Rien d'étonnant à ce que la propension à être chef soit supérieure à 1 sur 2534 dans la commune. Mais qui avait sa compétence, son étoffe et surtout son bilan ? On sait ce qu'on laisse mais pas ce qu'on trouve. Entre deux demis, JAUREL marquait des points.
L'évènement politique assurait donc non seulement la paix des ménages, mais aussi le plein régime de l'économie locale. Car l'équipe municipale redoublait d'efforts pour justifier ses mandats. Les apéritifs et les repas, au profit d'une association ou d'une profession, se multipliaient ; des tracts vantaient un bilan solide et des lendemains qui chantent, avec l'appui de la Chorale si nécessaire. Le nombre d'animations et de manifestations culturelles prévues dans son futur programme était impressionnant. Ainsi, le maire, M. JAUREL, mettait tout son poids dans la bataille.
Les journalistes de La Quotidienne, ou plutôt « le » journaliste rattaché au suivi du canton, lui assurait un soutien tacite, en louant la finesse de la macédoine servie au repas du troisième âge. A vrai dire, ce n'était même pas partisan de sa part. Il faisait le simple travail du reporter rural, qui enjolive le peu de matière dont il dispose, et relate le quotidien de ses lecteurs pour s'assurer leur achat.
JAUREL se posait en tacticien auprès de son équipe : fort de ses précédents mandats, il affirmait contrôler l'opinion publique et les médias. Homme de terrain, de chasse comme de football, il avait pour et derrière lui, des conseillers fidèles, honorés par leur titre municipal et la confiance de ce grand chef. Il faut dire que JAUREL avait un secret : persuader chaque personne qu'il rencontrait de son importance, à ses yeux comme à ceux du monde. Eleveur prospère, il se souciait en apparence grandement de ses ouvriers et peu de ses bêtes. Maire plantureux, il mettait entre parenthèses la commune dans les séances municipales, au profit de ses chers conseillers. Ces soins constants lui permettaient de gérer les affaires, « ses » affaires après tout, comme il l'entendait, puisque les autres n'y entendaient rien.
En effet, la compétence de son équipe aurait soulevé des questions auprès d'un observateur neutre. Mères au foyer, paysans et retraités dans l'ensemble, ce Conseil des Miracles avait tout appris de la gestion municipale sur le tas. Mais après tout, c'était le lot de beaucoup de petites communes. Sauf que cette assemblée là, même sur le tas, n'avait pas beaucoup appris. Si bien que JAUREL exerçait un pouvoir absolu, nécessaire et salutaire.
D'ailleurs il était né très tôt pour le pouvoir. Il avait fondé un premier parti, composé d'agents secrets, dès le primaire. Sa dissolution après quelques récréations avait convaincu JAUREL d'une première vérité : les gens sont volatiles. Si les attirer demande un petit quelque chose, les conserver demande de gros efforts. Partant de là, il avait, avec une conscience de l'autre rare à cet âge là, eu un mot quotidien pour chacun, en vue de s'assurer le prestige permanent de chef de classe, d'année en année. Son altruisme reposait sur un besoin de reconnaissance à travers le pouvoir, la consécration. Il aimait bien être le chef, il faisait ce qu'il faut pour ça, et ça n'avait pas changé en grandissant. Il était toutefois dénué de l'ambition de tomber dans la manipulation de masse, de briguer un mandat régional ou national. A quoi bon être le chef de gens qu'on ne connait pas ?
Le libre exercice de la démocratie avait permis à une liste concurrente de défier le maire sortant. JAUREL prenait la chose avec philosophie. Même en se sacrifiant, on tombe toujours sur des mécontents et on fait nécessairement quelques envieux. Rien d'étonnant à ce que la propension à être chef soit supérieure à 1 sur 2534 dans la commune. Mais qui avait sa compétence, son étoffe et surtout son bilan ? On sait ce qu'on laisse mais pas ce qu'on trouve. Entre deux demis, JAUREL marquait des points.